Le regard humain ne peut être comparé à la vision figée et tronquée d’un appareil photo, car il est créateur et constructif. Tant le regard qui voit, que l’objet qui est vu, se construisent mutuellement dans l’acte de vision. Tellement de choses dépendent de la façon dont nous voyons ce qui nous entoure. Le plus souvent, c’est le style de regard qui détermine ce que nous voyons. Il y a tellement de choses à notre portée que nous ne remarquons pas simplement à cause de notre façon de voir. La façon dont nous regardons les choses à une influence énorme sur ce qui nous est perceptible. Si une maison a été fermée pendant longtemps, une couche de poussière se dépose sur les fenêtres. Un résidu en décomposition parvient peu à peu à obturer tout à fait la lumière. Quand nous allons dans un tel endroit, nous respirons l’humidité d’un air fétide et âcre. La même chose peut arriver dans les antichambres de notre esprit. Si l’on s’est borné à avoir une vision étroite et prévisible, la lumière extérieure ne parvient pas à apporter de la couleur dans la vie. Finalement, les fenêtres de l’esprit sont aveuglées par un film imperceptible de pensées mortes, de vieux sentiments jusqu’au point où l’air devient irrespirable, la vie se rétrécit, et le monde extérieur est sans attrait, sans stimulation. Quand aucun éclairage nouveau ne parvient à l’esprit, Beauté et couleurs disparaissent de la vie. Il y a une symétrie mystérieuse entre le monde intérieur et le monde extérieur. Chaque individu est le seul et unique habitant de son propre monde intérieur, personne d’autre ne peut s’y rendre pour paramétrer comment les choses sont vues. Chacun d’entre nous est responsable de sa vision du monde, et c’est cette vision personnelle qui détermine ce que nous voyons. Voir n’est pas simplement un acte physique : la quintessence de la vision est une résultante de l’état d’esprit. Quand l’âme est ouverte à la Beauté, nous commençons à voir la vie d’un œil neuf, plein de vitalité. Les vieilles habitudes qui ternissaient notre vision sont brisées. La pellicule de poussière tombe des fenêtres. Libérés de leurs gangues mortes, les éléments qui constituent notre vie apparaissent porteurs de nouvelles priorités et de nouvelles possibilités.

Nous avons souvent entendu cette phrase: «La Beauté est dans le regard du spectateur » Cela signifie généralement que le sens du Beau est complètement subjectif. Il ne peut pas être question de goût puisque le goût de chaque personne est différent. Cette affirmation a une autre signification, plus subtile: si notre manière de voir devient belle, alors la Beauté nous deviendra visible et resplendira pour nous. Nous serons surpris de découvrir la Beauté dans des endroits inattendus où un regard sans grâce ne se poserait jamais. L’œil averti peut apercevoir la Beauté n’importe où, car la Beauté ne se réserve pas pour des moments ou des circonstances spéciales; elle n’attend pas la perfection, mais est déjà enclose secrètement dans toute chose. Quand nous embellissons notre regard, la grâce de la Beauté cachée devient notre joie et notre refuge.